Héritage géologique : une clef pour comprendre certains paradoxes du Plateau Tibétain

Julia De SIGOYER, ISTerre | 17 octobre 2013

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Les modalités d’épaississement du plateau Tibétain sont toujours discutées. Les phases d’épaississement et de surrection varient d’une région à l’autre, mettant en lumière la part d’héritage géologique et celle de la réactivation dans la structuration du plateau. La chaîne des Longmen Shan développée sur la bordure orientale du plateau Tibétain présente un gradient topographique extrême de 6000 m à 500 m d’altitude sur 50 km, surplombant un saut de Moho de 20 km entre une croûte Tibétaine épaisse (unité Songpan Garze) (67 km) et celle plus résistante du craton Chine du Sud (40 km). Les faibles vitesses de convergence (< 3 mm.an-1) (données GPS) enregistrées à travers cette bordure du plateau ne permettent pas d’expliquer l’épaississement observé et ont conduit à sous-estimer l’aléa sismique dans cette région, pourtant frappée par deux importants séismes le 12 mai 2008 (Mw 8) et le 20 avril 2013 (Mw 6.6). L’étude structurale, métamorphique et géochimique de cette bordure orientale du plateau Tibétain, montre une histoire polycyclique. Un prisme d’accrétion de 30 km d’épaisseur s’est développé sur la marge du craton Chine du sud dès le Trias supérieur, lors de la fermeture de la Paléo Téthys. Constitué de sédiments très radiogéniques il représente une source de chaleur importante comme en témoignent l’intrusion de nombreux granites Mésozoïques dans ce prisme. Actuellement il fait encore 15 à 10 km d’épaisseur. La persistance de cet ensemble chaud pendant 200 Ma a notablement amollie la croûte tibétaine dans cette zone. Lors de la réactivation Cénozoïque suite à collision Inde Asie, cet héritage thermique a conduit à l’indentation du craton Chine du Sud rigide et froid dans la zone amollie par ce paléo prisme d’accrétion. L’étude géomorphologique sur cette bordure montre que l’érosion est régressive depuis le front de chaîne vers le plateau tibétain, ce qui est compatible avec cette nouvelle proposition. Les failles actives sur cette bordure du plateau s’enracinent dans le niveau de décollement situé à la base de ce paléo prime d’accrétion, montrant un héritage structural en plus de l’héritage thermique. Ainsi cette nouvelle proposition permet de concilier l’ensemble des données géologiques, géochimiques et géophysiques à long et court terme.

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